Dans la jungle des obligations immobilières chinoises

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En bref

  • Le secteur immobilier chinois se redresse progressivement depuis la fin de l’année 2022.
  • Certaines sociétés connaîtront encore un parcours cahoteux, mais les marchés l’ont anticipé.
  • À condition de procéder à une sélection attentive des crédits et à la construction minutieuse d’un portefeuille, le marché actuel constitue un terrain fertile pour générer de l’alpha.

Univers vaste et diversifié, le secteur immobilier chinois a connu, au cours des dernières années, des ralentissements historiques, l’effondrement de certains promoteurs et l’intervention des autorités publiques. Les investisseurs en quête d’opportunités ont donc dû manœuvrer sur un terrain varié et mouvant. Métaphores de la jungle mises à part, la réouverture de l’économie chinoise à la fin de 2022 semble toutefois avoir semé les graines de la reprise sur le marché immobilier chinois de l’après-Covid. Le secteur sort-il progressivement de la mauvaise passe dans laquelle il se trouvait? Comment les investisseurs cherchant à générer de l’alpha peuvent-ils identifier des opportunités dans les conditions actuelles du marché?

Le marasme prolongé du secteur immobilier s’atténue

Le marché immobilier chinois a commencé à pouvoir souffler quelque peu lorsque les autorités publiques ont, en novembre 2022, mis un terme aux politiques strictes de resserrement qu’elles avaient imposées au secteur, ce qui a permis de clore une rigoureuse séquence de désendettement de deux ans. La réouverture complète de l’économie du pays au mois de décembre a également soutenu cette reprise, d’autant que les autorités chinoises ont réitéré l’importance stratégique du secteur au cours des derniers mois.

Cela s’est traduit par l’abandon des politiques les plus restrictives en matière d’achat de nouveaux logements, l’assouplissement des exigences relatives aux demandes de prêts hypothécaires et l’abaissement des taux hypothécaires. Dans 83 des 96 grandes villes chinoises, les taux ont ainsi été ramenés à leur plus bas niveau depuis 2017, et les primo-accédants sont particulièrement favorisés, ce qui pourrait fortement améliorer l’accessibilité au logement ainsi que la demande réelle. Pour les promoteurs, l’accès au financement national s’est également très fortement amélioré au cours des derniers mois.

Les signes de reprise commencent à pointer dans les données. Selon la société de consulting immobilier China Real Estate Information Corporation (CRIC), en glissement annuel, le total des ventes sous contrats attribuables aux 100 premiers promoteurs pour les quatre premiers mois de 2023 a ainsi augmenté de 10,5 %, à 1 634 milliards de RMB. Le mois d’avril a, lui, enregistré une augmentation de 32,3 % en glissement annuel.

Des améliorations significatives ont également été observées tant dans les prévisions des directeurs des ventes que dans le sentiment récent des acheteurs, ce qui témoigne d’un marché du logement plus durable et plus sain. Les prix de vente immobiliers ont commencé à rebondir au cours du premier trimestre 2023: la société d’intelligence économique China Reality Research (CRR) fait ainsi état, en glissement annuel, d’une augmentation de 0,13 % du prix de vente moyen des projets pour le mois d’avril. Et, contrairement aux 12 mois ayant précédé le mois d’avril, les promoteurs ne proposent plus le même niveau de remises promotionnelles. Les enquêtes menées auprès des acheteurs potentiels de logements montrent également que la confiance des consommateurs connaît un rétablissement progressif.

Un rétablissement progressif dans un contexte de volatilité des obligations

Bien que nous n’anticipions ni un rebond en «V» ni une reprise rapide en «U» pour le secteur, nous tablons néanmoins sur un rétablissement prometteur et progressif au cours du second semestre 2023 et au-delà, même s’il est probable que le chemin sera cahoteux. En glissement annuel, nous anticipons une baisse d’environ 5 % des ventes sous contrats à l’échelle nationale en 2023, mais nous estimons que cette baisse sera suivie, en glissement annuel, d’une augmentation d’environ 10 %.

Compte tenu de la diversité du marché immobilier chinois, le rythme et la trajectoire du rétablissement ne seront pas uniformes dans tout le pays. Jusqu’à présent, cette année, les prix de vente moyens observés dans les villes de rang supérieur (premier et de deuxième rangs) ont progressé plus rapidement que dans les villes de rang inférieur, ce qui laisse présager une reprise plus rapide en 2023 dans les marchés régionaux plus vigoureux. Cela bénéficiera aux promoteurs disposant d’une réserve foncière de meilleure qualité et d’un pipeline de ventes plus important dans les villes de premier et deuxième rang.

Comme nous l’avons écrit plus haut, la période de ralentissement du marché immobilier chinois a été marquée par les défaillances de certains promoteurs immobiliers. En mai, la société chinoise de développement immobilier KWG Group Holdings Ltd. a ainsi fait défaut sur le remboursement de sa dette, ce qui a exacerbé le récent cycle de consolidation et de liquidation observé depuis février, principalement à partir de quelques titres en difficulté.

Nous estimons que le dernier effondrement ne reflète pas la tendance descendante des fondamentaux du secteur. Il est en effet essentiellement dû à des ventes paniques survenues après plusieurs événements spécifiques liés au crédit, à des sorties de fonds et à des prises de bénéfices s’étant produites après le dernier rebond important, entre novembre 2022 et février (l’indice Iboxx China high yield real estate affichait une hausse de 162 %). Ces mouvements volatils des prix des obligations ont également été déclenchés par une mentalité grégaire et par le sentiment général d’aversion aux risques récemment observé sur les marchés mondiaux.

Stimulées par l’amélioration des perspectives du secteur, les sociétés s’étant trouvées en défaut de paiement semblent désormais vouloir agir rapidement pour conclure la restructuration de leur dette et revenir le plus tôt possible à la normale. Evergrande Group et Sunac font ainsi partie de ces promoteurs en défaut de paiement qui ont déjà publié des plans de restructuration globaux, et nous estimons que d’autres accords de restructuration devraient pouvoir être finalisés cette année.

Il nous semble donc qu’un certain nombre de situations spéciales pourraient offrir, au cours des 12 prochains mois, de nombreuses opportunités aux investisseurs dans le secteur immobilier chinois. Après le mouvement de liquidations généralisé observé dans ce secteur, et à condition de procéder à une sélection minutieuse des crédits, le potentiel de grandes opportunités nous semble important dans les obligations immobilières chinoises en dollars US survendues.

La sélection du crédit est essentielle dans un secteur présentant des divergences marquées

Vaste et diversifié, le marché immobilier chinois compte 187 sociétés immobilières cotées en bourse. Sur ces 187 sociétés, dont 54 sont cotées à l’étranger, 96 ont émis des obligations à l’étranger au cours de ces dernières années et présentent des notations de crédit comprises entre BBB+ et CCC, voire inférieures. Elles présentent également des degrés d’exposition très différents aux diverses régions de la Chine; or il peut exister entre ces régions un écart économique aussi important que celui qui peut être observé entre les marchés développés et les marchés émergents.

Bien que la plupart des sociétés immobilières chinoises soient généralement présentes sur au moins deux marchés régionaux, d’autres, telles que Central China Real Estate Limited (CCRE), n’opèrent toutefois que dans une seule province, ce qui peut entraîner des conséquences tout aussi négatives que positives. Par ailleurs, si certains promoteurs concentrent leurs activités sur des villes de premier et deuxième rang, d’autres choisissent en revanche d’opérer dans des villes de niveau inférieur.

Le fait que les sociétés immobilières chinoises présentent des modèles d’activité, des stratégies et des bilans différents signifie qu’elles ont des profils de crédit variés et que leurs perspectives sont différentes après la reprise du secteur. Bien qu’elles soient toutes exposées au contexte et aux politiques macroéconomiques de la Chine, ce qui compte vraiment réside dans l’analyse ascendante et spécifique à chaque société, car c’est elle qui est susceptible de pouvoir aider les investisseurs à trouver de l’alpha dans un si vaste et si profond secteur.

Sur ces 96 entreprises, 16 sont des entreprises publiques, tandis que les autres sont des entreprises privées. Nous avons remarqué que les promoteurs publics ont enregistré une croissance de leurs ventes de 52 % depuis le début de l’année, tandis que les entreprises privées ont enregistré une baisse globale de 25 %. Cela étant, les niveaux de prix des obligations d’entreprises privées ont plus que suffisamment pris en compte la faiblesse de leurs fondamentaux.

Même pour les sociétés en défaut de paiement, les obligations sont nombreuses, qui se négocient à un niveau bien inférieur à leur taux de recouvrement post-restructuration. Pour les investisseurs disposant d’une connaissance approfondie et d’informations acquises sur le terrain, et à condition de procéder à une sélection attentive des crédits et à la construction minutieuse d’un portefeuille, la situation actuelle constitue un terrain fertile pour générer de l’alpha.

En bref

Si le rebond des ventes sous contrats réalisées depuis le début de l’année 2023 témoigne d’un rétablissement, il est probable qu’il faudra néanmoins attendre encore de nombreux mois avant que le rebond des ventes de biens immobiliers ne renoue avec des niveaux sains. Par ailleurs, et même si les attentes du marché ont d’ores et déjà intégré cela, les sociétés immobilières privées et en difficulté – notamment les promoteurs en défaut de paiement – connaîtront probablement un parcours cahoteux avant de pouvoir remonter la pente.

En dépit des signes positifs, nous anticipons une persistance de la volatilité dans les crédits pour cette année, mais nous estimons qu’il existe un potentiel de hausse beaucoup plus important pour les obligations immobilières à haut rendement, plus particulièrement pour des titres sélectionnés. Avec le défaut de paiement du groupe KWG en mai, un mouvement de panique a ramené certains titres de sociétés aux niveaux planchers qu’ils affichaient en novembre dernier, alors que les autorités chinoises n’avaient pas encore inversé leur politique et que les fondamentaux du secteur étaient désespérément faibles.

Qu’est-ce que cela pourrait signifier pour les investisseurs? Le caractère exagéré qu’affiche actuellement le sentiment du marché rappelle le troisième trimestre de l’année dernière, juste avant que le secteur immobilier chinois ne commence à rebondir en novembre. Ces conditions pourraient offrir certaines opportunités aux investisseurs se positionnant à contre-courant et qui auraient manqué le fort rebond de décembre dernier. Même si personne ne peut prédire les pics et les creux que connaîtra le marché, lorsque les prix des obligations chutent pour évoluer bien en dessous de leur valeur intrinsèque, nous estimons qu’il existe alors un potentiel d’alpha.

 

 

 

 

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