Les titres d’emprunt collatéralisés sont des instruments obligataires servant à financer un pool de prêts spécifique, tels que des emprunts garantis de premier rang ou des prêts à effet de levier, pour les entreprises. Les obligations sont divisées en tranches avec différentes notations (et rendements) selon le rang qu’elles occupent dans la structure des capitaux des titres d’emprunt collatéralisés, généralement en partant du haut avec des notes AAA jusqu’en bas avec des obligations indexées sur les actions.
Les titres d’emprunt collatéralisés constituent une part du marché des titres adossés à des actifs (ABS) qui inclut les autres titrisations telles que les titres adossés à des créances hypothécaires résidentielles (RMBS), les titrisations de prêts automobiles (Auto ABS) et les créances sur cartes de crédit, pour n’en citer que quelques-uns.
Alors que les titres d’emprunt collatéralisés (CLO) en Europe et aux États-Unis sont très similaires, il existe des différences cruciales entre les deux marchés, et chez TwentyFour, nous avons historiquement donné notre préférence au profil risque-récompense des CLO européens par rapport à leurs cousins américains.
En Europe, les CLO représentent la partie la plus large des composants de l’ensemble du marché ABS, avec un encours d’environ 180 milliards d’euros.1.
Cependant, les CLO se différencient des autres ABS sur quelques points importants. D’une part, les CLO sont adossés à des prêts à effet de levier, qui sont des prêts accordés à des entreprises, plutôt que des crédits à la consommation qui servent de garantie aux produits financiers à la consommation ABS comme les RMBS ou les Auto ABS. D’autre part, la plupart des types ABS investissent dans des actifs provenant d’une seule région géographique. Par exemple, les obligations RMBS sont généralement adossées à un pool de crédits immobiliers sur un seul pays, ce qui n’est pas surprenant car les banques ont tendance à restreindre leurs prêts hypothécaires aux clients locaux. En revanche, le marché des prêts à effet de levier est paneuropéen et très bien diversifié en termes de type d’industrie et de maturité.
De ce fait, les CLO peuvent agir plus efficacement dans la répartition du risque que si les actifs étaient concentrés sur une seule région. Ils représentent aussi un sous-secteur plus diversifié du marché ABS européen.
Les prêts à effet de levier sont pour l’essentiel des prêts accordés aux entreprises notées en dessous de l’Investment Grade. Les prêts à effet de levier peuvent être envisagés comme le matériau brut des CLO; ce sont les paiements sur ces prêts qui financent les coupons et le capital aux détenteurs d’obligations du CLO. Les prêts à effet de levier inclus dans les portefeuilles de CLO européens sont normalement des prêts «garantis de premier rang» qui, comme leur nom l’indique, jouissent du droit le plus élevé sur les actifs d’une société en cas de faillite. Par conséquent, ils sont considérés comme des investissements à moindre risque dans des entreprises qui ne sont pas Investment Grade.
Un prêt typique dans un portefeuille CLO a généralement une notation entre BB+ et B−, avec une maturité d’environ 5 à 7 ans et des paiements d’intérêts à taux variable indexés sur le Libor ou l’Euribor.
Les CLO sont gérés de façon active par un gestionnaire d’actifs. Le gestionnaire CLO choisit une large quantité de prêts provenant d’entreprises de différentes tailles, régions et industries pour construire un portefeuille de prêts aux entreprises aussi diversifié que possible. Le gestionnaire CLO peut acquérir ou céder des prêts pour optimiser des rendements, mais ils sont soumis à plusieurs restrictions en ce qui concerne le type d’actif, la qualité et les caractéristiques sous-jacentes.
Ces prêts sont placés dans une entité ad hoc (SPV) abritant les actifs de manière à ce que le gestionnaire CLO puisse les administrer. Les objectifs du SPV pour les CLO européens sont la détention d’actifs et la distribution des intérêts et du capital aux détenteurs d’obligations. Cela signifie aussi que les CLO comme les autres ABS de ce type, sont à l’abri des faillites et ne font pas porter le risque d’entreprise sur le prêteur.
De plus, le SPV fournit aux investisseurs du CLO une totale transparence, en leur offrant une vue détaillée sur chaque entreprise du portefeuille, depuis sa notation de crédit et sa gestion, jusqu’aux termes spécifiques du prêt.
En conséquence, les détenteurs d’obligations du CLO peuvent analyser en permanence les entreprises auxquelles ils sont exposés et évaluer la performance du gestionnaire CLO. Ils peuvent aussi soumettre le portefeuille à un test de résistance et travailler sur des scénarios défavorables afin de comprendre ce qui pourrait se passer sur les rendements CLO en cas de changement des conditions économiques et de marché.
Enfin, pour aligner les intérêts d’un promoteur CLO avec ceux des détenteurs d’obligations, le promoteur doit conserver une participation économique minimale de 5 % dans le CLO.
Le pool de prêts est la «garantie» des obligations CLO émises. Comme pour les autres formes d’ABS, les obligations émises par un CLO sont structurées en couches ou tranches qui présentent généralement différentes notations de crédit, protections aux investisseurs et différents coupons en fonction de l’endroit où elles se situent dans la structure.
Quand les prêts du pool CLO paient les intérêts et le capital, cela paie les intérêts et le capital des obligations, dans l’ordre d’ancienneté. La structure de CLO est généralement constituée de différentes classes de dettes notées, allant de haut en bas, avec des obligations notées AAA, AA, A, BBB, BB et B, et une classe d’actions non notées.
La tranche supérieure avec la notation AAA est la première à être payée, tandis que la tranche inférieure en obligations indexées sur les actions notées est la première à subir les pertes éventuelles, qui – dans les rares cas où elles se produisent – remontent les couches de la même manière que les paiements déclinent (la distribution des flux de trésorerie le long de la pile de capital est souvent appelée «cascade»). En compensation des détenteurs de la dette la plus subalterne, les rendements offerts par chaque tranche augmentent en même temps qu’on le descend sur la pile de capital.
Dans le même temps, la tranche en actions n’est pas notée et n’a donc pas de coupon établi. À la place, la tranche en actions représente un droit sur tous les excédents de flux de trésorerie, une fois que les obligations de chaque tranche de dette ont été honorées.
Les investisseurs qui détiennent des CLO dans leur portefeuille d’obligations peuvent tirer des bénéfices de plusieurs caractéristiques uniques de cette classe d’actifs.
Premièrement, la nature variable des taux des tranches du CLO réduit l’exposition de l’investisseur au risque de taux d’intérêt à court terme, soit une couverture efficace contre l’inflation. De plus, les détenteurs d’obligations CLO sont aussi protégés contre les conséquences de réduction des taux, car l’Euribor est en général fixé à 0 %.
Deuxièmement, la spécificité des CLO en tant que classe d’actifs signifie qu’ils ont historiquement affiché une prime de spread importante par rapport aux marchés d’obligations d’entreprises plus traditionnels pour une notation donnée, une caractéristique attrayante dans un monde où les rendements des obligations sont de plus en plus maigres.
Troisièmement, les investisseurs détenteurs de CLO obtiennent les bénéfices d’un portefeuille diversifié, avec une classe d’actifs qui affiche de faibles corrélations avec les titres Investment grade et les actions, ainsi qu’une corrélation historiquement négative avec les bons du Trésor américain.
Enfin – mais c’est peut-être ce qui importe le plus – les CLO peuvent de loin offrir plus de souplesse que les obligations d’entreprises ordinaires, en particulier quand le revenu se fait rare et que les investisseurs cherchent à augmenter les rendements de leur portefeuille. Pour les obligations à haut rendement, un investisseur qui recherche davantage de marges devra normalement acheter des obligations moins bien notées, ce qui peut signifier s’exposer à une nouvelle entreprise dont l’investisseur n’appréciera pas l’historique de crédit. En revanche, toutes les tranches d’obligations du CLO sont adossées au même pool de crédits, avec les mêmes données de performance et le même gestionnaire CLO. Si vous aimez acheter les obligations BBB d’un CLO, notre expérience nous indique que vous trouverez plus confortable de descendre vers les obligations notées B, du rang inférieur, que de faire le même mouvement dans le spectre de crédits des hauts rendements.
Comme pour la plupart des produits d'investissement, la demande croissante des clients et l'impulsion réglementaire ont propulsé les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance au premier plan des marchés des CLO. Bien que le parcours ESG des CLO n'en soit qu'à ses débuts, la tendance est indéniable et les gestionnaires de CLO adaptent leurs pratiques d'investissement afin de prendre en compte les considérations ESG dans leurs décisions d'investissement.
En conséquence, le filtrage négatif reste le mécanisme le plus communément utilisé par les gestionnaires de CLO soucieux de l'ESG, avec des restrictions empêchant les gestionnaires d'investir dans des prêts d'entreprises engagées dans des secteurs spécifiques, tels que le tabac, les fabricants d'armes et les combustibles fossiles, ce qui est une caractéristique commune. Selon Moody's, les critères d'exclusion ESG étaient présents dans 85 % des CLO de l'UE émis depuis 2020. La liste des exclusions n'est pas encore standardisée, mais de plus en plus de CLOs sont émis avec des actifs conformes aux principes de l'UNGC.
Cela dit, d'autres approches de l'incorporation ESG sont de plus en plus courantes. En effet, au cours des derniers mois, plusieurs émetteurs bien connus ont mis sur le marché des titrisations ESG contenant des actifs conformes aux principes ESG et des clauses faisant référence aux objectifs de développement durable des Nations unies. En outre, l'European Leveraged Finance Association (ELFA) et la Loan Market Association (LMA) ont récemment publié des guides de bonnes pratiques sur les dispositions ESG dans les contrats de prêt, poussant le marché des prêts vers une divulgation et une normalisation accrues.
Enfin, outre le filtrage négatif, certains gestionnaires de CLO sont récemment allés plus loin en introduisant des méthodologies de notation interne afin de créer un filtrage positif.
Le cycle de vie d’un CLO se compose de plusieurs phases.
La première est connue sous le nom de période de stockage qui dure généralement plusieurs mois. Durant la période de stockage, le gestionnaire CLO achètera les prêts nécessaires à la construction du portefeuille pour entrer sur le marché où le manager voit des opportunités.
La seconde phase est la période de montée en efficacité. La période de montée en efficacité dure six mois de plus pendant lesquels le gestionnaire fera d’autres achats. Une fois que le gestionnaire aura terminé ses acquisitions de nouveaux actifs, le CLO devient actif et le gestionnaire CLO passe de la construction du portefeuille à sa gestion.
Le CLO entre alors dans sa période de réinvestissement. À ce stade, le gestionnaire CLO est autorisé à négocier activement son portefeuille et à réinvestir en utilisant la trésorerie du capital principal. La période de réinvestissement peut durer jusqu’à cinq ans pendant lesquels le gestionnaire a pour but de maximiser la performance du portefeuille.
La période de non-appel («non-call») commence au même moment que la période de réinvestissement. Durant cette phase qui dure généralement entre six mois et deux ans, le gestionnaire ne peut refinancer aucun encours d’obligations CLO. Par la suite, la majorité des détenteurs d’obligations ont le droit de refinancer les encours d’obligations.
Enfin, le CLO entre dans la période d’amortissement, s’il n’a pas encore été refinancé. Comme son nom l’indique, le gestionnaire CLO ne peut pas réinvestir aucun flux de trésorerie en capital, tandis que le flux de trésorerie est utilisé pour rembourser les encours d’obligations.
À la fin de la période d’amortissement, un CLO est considéré comme réussi (comme pour tous les investissements obligataires) si ses investisseurs ont reçu la valeur de leur investissement initial et les paiements d’intérêts promis.
1 Morgan Stanley, mars 2022